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Cass. Soc. 4 juin 1998, n°2744P, Sté Les Rapides de Loraine c/Pesce.

FAITS ET PROCEDURE

Attendu que M. Pesce, salarié de la société Les Rapides de Lorraine, a été en arrêt de travail pour maladie du 28 février 1995 au 23 avril suivant, que l'employeur ayant cessé à partir du 5 mars 1995 de lui verser son salaire au motif que le médecin contrôleur n'avait pu effectuer le 4 mars 1995 une contre-visite médicale, le salarié a saisi la juridiction prud'homale statuant en la formation de référé, de demandes au titre du maintien de son salaire pour la période du 28 février 1995 au 10 avril suivant par application de l'article 63 du Code de commerce local, outre les indemnités pour non-respect par l'employeur de ses obligations.

Attendu que l'employeur fait grief à l'ordonnance attaquée, conseil de prud'hommes de Metz, 17 juillet 1995, de l'avoir condamné à payer diverses sommes à son salarié, alors, selon le moyen, d'une part, que l'employeur a le droit de supprimer le versement des indemnités complémentaires à celles de la sécurité sociale pour la période postérieure à la date de visite, si le salarié est absent de son domicile en dehors des heures de sortie autorisées par la sécurité sociale et si, de ce fait, la contre-visite médicale prescrite par l'employeur n'a pu être effectuée que l'ordonnance, après avoir relevé que l'employeur faisait valoir que le médecin-contrôleur n'avait pu visiter le 4 mars 1995 le salarié en arrêt maladie, constate que la lettre recommandée qui a été adressée audit salarié le 10 mars 1995, par son employeur, avait été retournée avec la mention "non réclamée" que cette constatation, loin d'infirmer celle du médecin contrôleur, confirme que le salarié n'était effectivement pas présent à l'adresse mentionnée sur l'arrêt de travail que, par suite le conseil de prud'hommes n'a pas donné de motifs à sa décision et a ainsi violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile d'autre part, que le droit au maintien de l'indemnisation complémentaire est subordonné à l'avis du médecin-contrôleur que, par suite, en retenant qu'il importait peu de savoir si le contrôleur avait pu ou non visiter le malade, le conseil de prud'hommes a violé l'article 7 de l'accord interprofessionnel du 10 décembre 1977 sur la mensualisation étendu par la loi du 78-49 du 19 janvier 1978, ensemble l'article 63 du Code de commerce local enfin et en tout cas, que l'existence de l'obligation de l'employeur apparaissait sérieusement contestable et que le conseil de prud'hommes ne pouvait trancher lui-même la contestation sérieuse, résultant du principe de la contre-visite édicté par l'accord national précité, au motif qu'il n'est pas étendu à l'application de l'article 63 du Code de commerce local que par suite, le Conseil de prud'homes a violé les articles R.516-30 et R.516-31 du Code du travail, soit l'article 879 du nouveau Code de procédure civile. Mais attendu que le conseil de prud'hommes a exactement décidé que la loi n°78-49 du 19 janvier 1978, n'a pas abrogé les dispositions législatives plus favorables aux salariés.

Tel l'article 63 du Code de commerce local qui ne prévoit pas de contre-visite médicale en cas d'absences pour maladie n'allant pas au-delà d'une durée de six semaines qu'en l'état de ces énonciations qui rendent inopérant le grief contenu dans la première branche du moyen. Le conseil de prud'hommes a pu retenir que l'obligation de l'employeur au maintien du paiement des salaires pendant une durée de six semaines au commis qui, par suite d'un accident dont il n'est pas fautif, se trouve dans impossibilité de fournir son service, n'était pas sérieusement contestable que le moyen. inopérant en sa première branche, est non fondé pour le surplus.

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.

OBSERVATIONS Il résulte de l'article 7 de l'accord national interprofessionnel du 10/12/1977, étendu par la loi n°78-49 du 19/01/1978 sur la mensualisation prévoit la possibilité d'un contrôle patronal d'un salarié malade par la mise en oeuvre d'une contre-visite médicale.

Or, l'article 63 du Code de commerce local dispose que "le commis commercial qui, par suite d'un accident dont il n'est pas fautif, se trouve dans l'impossibilité de fournir son service, conserve ses droits au salaire et à l'entretien, mais pas au-delà d'une durée de six semaines".

En l'espèce, la question était de savoir si l'article 7 de l'accord précité devait s'appliquer ou non en matière de droit local ? Au motif qu'il n'avait pu faire effectuer par le médecin-contrôleur une contre-visite du salarié malade, l'employeur avait cessé de verser le salaire garanti par l'article 63 du Code de commerce local, alors qu'il n'était pas contesté qu'au moment de la contre-visite n'avait pu avoir lieu, l'absence du salarié, régulièrement en arrêt de travail pour maladie, n'avait pas dépassé six semaines.

En droit commun, il est admis en effet que le contrôle médical de l'employeur est la contre-partie de son obligation de verser au salarié malade une indemnisation complémentaire à celle de la sécurité sociale et dès lors que le salarié s'est soustrait sans motif légitime à la contre-visite il perd son droit à ce complément d'indemnisation. Mais la Haute juridiction écarte, dans l'arrêt ci-dessus relaté, l'application de ce régime en matière de droit local. En effet, si le droit commun établit un équilibre entre les droits de chacune des parties (droit du salarié de percevoir une indemnisation complémentaire à la condition de se soumettre à la contre-visite initiée par l'employeur, droit de l'employeur à initier un tel contrôle conditionnant son obligation au paiement de l'indemnisation), le droit local qui limite dans le temps la garantie de salaire du salarié malade ne contient aucune disposition relative à la possibilité d'un tel contrôle par l'employeur.

La seule condition posée par l'article 63 du Code de commerce local tient à l'origine non fautive de l'impossibilité pour le commis commercial d'exécuter sa prestation de travail et il est évident que l'arrêt de travail justifié par la maladie entre dans le champ d'application de ce texte... Admettre la possibilité d'une contre-visite serait ajouter à l'article 63 du Code de commerce local une condition qu'il n'a pas envisagée.

Et sur ce point force est de constater que l'article 63 est plus favorable au salarié que le régime issu de la loi n°78-49 du 19/01/1978. Il en résulte que cette loi n'a pu abroger les dispositions législatives plus favorables au salarié on matière de droit local. La Haute juridiction a, d'ailleurs, déjà posé ce principe à propos de l'article 616 du Code civil local qui prévoit également le maintien du salaire des salariés ne relevant pas du Code de commerce local, en cas d'absence pour maladie "pendant un temps relativement sans importance".

Dans un arrêt du 29/01/1992 (Bull. civ. V p.28 n°49. RJS 4/98 n°528) la chambre sociale de la Cour de Cassation a en effet affirmé, en termes très généraux, que la loi du 19/01/1978 n'a pas abrogé les dispositions législatives ou conventionnelles plus favorables aux travailleurs, tel l'article 616 du Code civil local en cas d'absences de brève durée.

Le droit local est, pour la Haute juridiction, constitué de lois spéciales auxquelles une loi générale ne peut déroger dans un sens défavorable au salarié, peu important l'identité d'objet des textes en concours.

 

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