Jugement de départage prononcé le 3 décembre 1999 FAITS ET PROCEDURE Par demande entrée au Greffe du Conseil le 27 août 1998, Monsieur TX a formé contre la S.A. W. une demande en paiement de la somme de 836,10 francs qui a été retenue sur son salaire au titre de deux journées pendant lesquelles il a pris congé pour cause personnelle, subsidiairement en paiement de ces deux journées au titre des congés payés. Ultérieurement, il a aussi réclamé 500 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; A l'appui de sa demande, il expose qu'il a été embauché en avril 1986 en qualité d'ouvrier par la S.A. W ; Que le 26 mars 1998, il a sollicité et obtenu de son chef d'atelier une autorisation de congés valable les 26 et 27 mars pour pouvoir s'occuper de ses deux petites filles malades ; Que par courrier des 14 avril 1998, la société W. l'a informé de son refus de lui payer ces jours de congé, en se prévalant de l'article L.122-28-8 du Code du Travail ; Qu'il est fondé à demander l'application de l'article 616 du Code Civil Local qui lui est plus favorable et qui est d'ordre public ; Qu'en l'espèce son absence pour un motif personnel que constitue la maladie de ses enfants, donc sans faute de sa part et pendant une durée insignifiante de deux jours, entre dans les prévisions de cet article ; Qu'au demeurant, son absence n'a pas perturbé l'activité de l'entreprise ; Monsieur TX précise qu'il était mieux à même de s'occuper de ses filles car son épouse travaille dans une petite structure et son absence risquait donc de nuire à la bonne marche de son entreprise ; Aucune conciliation n'ayant pu avoir lieu, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement le 26 novembre 1998 ; La S.A. W. conclut au rejet de la demande, propose à titre subsidiaire à titre de conciliation d'imputer les jours en question sur les droits à congés payés du demandeur et réclame 1.500 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, en estimant, d'une part que Monsieur TX n'a pas respecté la procédure préalable de demande de congés en vigueur dans l'entreprise, d'autre part que l'article 616 du Code Local n'est pas applicable, car l'absence ne tenait pas à la personne même du salarié et que seul l'article L 122-28-8 du Code du Travail qui traite spécifiquement de cas similaires doit être respecté; Enfin que le demandeur n'a apporté aucun élément particulier sur la nécessité de sa présence auprès de ses enfants et son impossibilité de les faire aarder par d'autres membres de sa famille ; Par jugement du 24 uin 1999, le Conseil s'est déclaré en partage de voix et l'affaire a donc de nouveau été plaidée à l'audience du 27 octobre 1999 ; MOTIFS Attendu d'une part que la S.A. W. ne justifie d'aucune façon de l'existence et du caractère obligatoire des modalités de demande de congés dans l'entreprise. Qu'elle invoque, à savoir le dépôt de la demande selon une procédure préalable, puis l'obtention de l'autorisation du responsable direct du salarié concerné et de l'accord de la Direction des Ressources Humaines; Qu'elle indique qu'en fait ces règles, apparemment non écrites, ne relèvent que de 1' " usage " ; Attendu alors que la défenderesse ne peut reprocher à Monsieur TX, qui agissait dans l'urgence, compte tenu du caractère imprévu de la maladie de ses filles, de ne pas avoir respecté cet usage, qui n'avait pas force contraignante ; Que le demandeur a, de manière suffisante, fait diligence, en sollicitant dès le 26 mars au matin de son chef d'atelier l'autorisation de prendre deux jours de congés -arrangement courant selon ce dernier- tout en proposant de régulariser sa situation auprès du service du personnel dès son retour ; Qu'il n'y a donc pas lieu à rejet de sa demande pour le premier motif soulevé par la défenderesse ; Attendu, d'autre part, qu'il est constant que par un arrêt du 25 novembre 1992 (société CAILLEBOTIS, service de l'Est c/ Halaoui), la Cour de Cassation a reconnu le caractère d'ordre public des dispositions de l'article 616 du Code Civil Local, en estimant que des dispositions d'une convention collective moins favorables au salarié que celles de cet article ne devaient pas trouver application ; Que, s'agissant de la "concurrence" entre deux dispositions légales, à savoir cet article 616 et l'article L.122-28-8 du Code du Travail, la solution doit être la même dès lors que ce dernier article stipule lui même que son application ne fait pas obstacle à celles des dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles plus favorables ; Qu'en l'espèce, c'est donc l'application de l'article 616 du Code Civil Local, à l'évidence plus favorable, qui doit primer, sous cette réserve cependant qu'il résulte des circonstances des faits que les conditions posées par cet article étaient réunies lors de la demande de congés ; Qu'en l'occurrence les conditions exigées sont au nombre de quatre :
Que, dans le cas de Monsieur TX, les deux dernières conditions étaient parfaitement remplies, puisque son temps d'absence a été très bref pour n'avoir duré que deux jours et puisque son empêchement lié à la maladie de ses filles, fait dont il est justifié par la production d'un certificat médical, n'était pas dû à un comportement fautif de sa part; Que, s'agissant de l'empêchement "tenant à la personne", l'interprétation à donner au texte (texte rédigé en allemand et dont il. n'existe pas de traduction officielle) ne doit pas être purement littérale, mais doit s'attacher à distinguer entre ce qui, directement ou indirectement, peut se rattacher à un événement propre à la personne du salarié et ce qui peut constituer un événement strictement extérieur à cette personne, tel par exemple une grève des transports ; Que la maladie d'un proche, à fortiori un enfant, est un fait rattachable à la personne du salarié, dans la mesure où cet événement fortuit le met personnellement dans l'obligation d'apporter au malade l'assistance immédiate que nécessite son état ; Que ce devoir de secours justifie amplement l'empêchement du salarié à effectuer sa prestation de service auprès de son employeur dernière condition à remplir, surtout si comme en l'espèce, le caractère soudain de la maladie des enfants met ce salarié où son conjoint dans une situation d'imprévisibilité immédiate à laquelle ils doivent faire face, en acceptant soit l'un soit l'autre de renoncer à aller travailler pour garder ces enfants, le temps éventuellement de trouver une solution de remplacement si la situation devait perdurer ; Qu'en définitive, dans le cas de Monsieur TX, les conditions pour l'application de l'article 616 du Code Civil Local étaient donc toutes effectivement réunies ; Attendu, enfin, qu'il n'y a pas lieu de s'attarder sur des considérations sexistes qui reviendraient à estimer que c'est la mère qui aurait du se "sacrifier" pour ses enfants et non Monsieur TX ; Que les deux parents jouissent des mêmes droits et des mêmes devoirs vis à vis de leurs enfants ; Qu'il ne peut être reproché à Monsieur TX d'avoir choisi de rester à la maison pour garder ses filles, plutôt que de laisser cette tâche à son épouse, alors qu'il savait que son absence serait moins préjudiciable à son employeur ; Que, par ailleurs, il ne peut pas non plus être reproché à Monsieur TX de ne pas avoir cherché tout de suite une solution de remplacement (garde par un tiers) alors que le caractère imprévisible de la maladie de ses filles exigeait une réponse immédiate et alors surtout que l'article L.1212-28-8 du Code du Travail déjà cité autorise légalement un salarié à bénéficier d'un congé en cas de maladie d'un enfant à charge et ce dans la limite de trois jours par an ; Qu'en l'espèce l'absence de Monsieur TX s'est limitée à 48 heures et entrait donc dans les prévisions légales ; Attendu en définitive, et en conséquence de ce qui précède, que Monsieur TX était en droit de ne pas perdre son droit à rémunération du fait de son empêchement ; Qu'il convient de faire droit à la demande en condamnant la S.A. W. à lui verser la somme de 836,10 francs, montant brut, qu'elle a indûment déduite de son bulletin de paie de mars 1998, laquelle somme portera intérêt au taux légal à compter du présent jugement ; Que l'exécution provisoire est de droit compte tenu du montant en litige ; Que la S.A. W., qui succombe, gardera la charge des dépens ; Que l'équité n'impose pas l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; PAR CES MOTIFS Le Conseil de Prud'hommes de Schiltigheim, section de l'industrie, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, sur départage, après en avoir délibéré conformément à la loi : DIT qu'il y a lieu à application en faveur de Monsieur TX de l'article 616 du Code Civil Local ; CONDAMNE la S.A. W. à payer à Monsieur TX le montant brut de 836,10 francs, déduit indûment de son salaire du mois de mars 1998 avec les intérêts légaux à compter du présent jugement ; CONSTATE l'exécution provisoire de plein droit de ce Jugement ; CONDAMNE la S.A. W. aux entiers dépens ;
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